2913. C’est le nombre de pages du dernier rapport du GIEC mené par le groupe de travail III et publié le 4 avril 2022. Un travail fastidieux qui résume pas moins de 18 000 articles scientifiques. Et parce que le commun des mortels ne souhaitera sûrement pas passer une semaine à venir à bout de ce rapport, on vous dévoile les principaux résultats de cette étude quelque peu prolixe.
Et ce qu’on peut d’ores et déjà dire sans divulgâcher, c’est qu’il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c’est que l’espèce humaine n’a jamais autant émis de gaz à effet de serre que ces dix dernières années. La bonne, c’est que des solutions sont à portée de main pour éviter le pire. Décryptage.
Le GIEC, qu’est-ce que c’est ?
Chaque rapport du GIEC fait l’effet d’une bombe dans les médias et sur les réseaux sociaux. Les journaux publient des articles alarmistes : “il ne reste plus que trois ans”, les instagrammeurs en herbe repartagent le contenu dans leur story… Mais qu’est-ce que le GIEC, qui semble faire figure d’autorité auprès de tout le monde ?
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été créé en 1988 par l’ONU et l’Organisation météorologique mondiale. Son objectif ? Publier un rapport tous les 5-7 ans afin d’évaluer l’état des connaissances sur l’évolution du climat, ses causes, ses impacts. Il identifie également les possibilités de limiter l’ampleur du réchauffement et la gravité de ses impacts.
Il faut savoir que le GIEC ne produit pas de nouvelles recherches, mais fait l’état des lieux des textes existants et des publications scientifiques. En d’autres termes, c’est la synthèse de toutes les connaissances mondiales autour du changement climatique, scrupuleusement analysées par un groupe d’experts.
L’organe du GIEC est divisé en trois groupes de travail, qui possèdent une expertise dans des domaines différents mais complémentaires :
- Le groupe I : Les travaux sont consacrés au fonctionnement physique du climat et les variations climatiques passées ou futures.
- Le groupe II : Les rapports portent sur la vulnérabilité des sociétés humaines et des écosystèmes, ainsi que de notre système socio-économique face au dérèglement climatique.
- Le groupe III : Les publications réalisées par le troisième groupe sont dédiées aux moyens d’action pour atténuer le changement climatique et réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Pour mieux comprendre le rôle du GIEC et ses missions, vous pouvez lire cet article très complet sur le site du gouvernement ou bien consulter cette vidéo :
Le 6ème rapport du GIEC : dernier volet
Publié le 4 avril dernier, le dernier rapport du GIEC est issu du travail du groupe III, qui a mené une analyse approfondie de 18 000 publications scientifiques, par 278 auteurs et autrices. Consacré à la lutte contre le dérèglement climatique, il explore les pistes d’action à mettre en place afin d’éviter de futures catastrophes.
Ce troisième volet vient compléter deux autres volets, réalisés respectivement par le Groupe I et II. La 6ème édition du rapport se décline ainsi en trois parties :
- La première fait un état des lieux de la crise climatique, un constat scientifique.
- La deuxième partie expose les impacts du changement climatique et notre adaptation.
- Le dernier volet, dont nous parlons ici, dévoile des scénarios de baisse de réduction des gaz à effet de serre et met en lumière des moyens d’action concrets pour atténuer le dérèglement climatique.
Toutes les préconisations présentées dans ce 6ème rapport ont un objectif : limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2, de préférence à 1,5 degré Celsius, par rapport au niveau préindustriel, comme prévu dans l’Accord de Paris.
Le rapport en quelques chiffres
2025
C’est la date à laquelle il faudrait réussir à inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre, si on veut ne pas dépasser une hausse de température de +2,5°C. Une perspective qui semble difficilement réalisable puisque la trajectoire est repartie à la hausse en 2021. Concrètement, cela signifie qu’il ne nous reste que trois ans pour réussir à garder une planète “vivable”.
3,2°
On estime que, dans l’état actuel des choses, une hausse de +3,2°C pourrait être enregistrée sur la planète d’ici la fin du siècle.
3,3 à 3,6 milliards
C’est le nombre de personnes qui sont considérées comme “très vulnérables” à cause du dérèglement climatique. Cela représente la moitié de la planète. Victimes de sécheresse, de glissements de terrain, d’inondations, ces individus sont en danger en raison des catastrophes naturelles qui se multiplient avec le réchauffement climatique.
Que faut-il retenir du rapport ?
Rentrons enfin dans le vif du sujet ! Le rapport étant divisé en 17 chapitres, nous avons listé pour vous les principales informations à retenir de cette étude.
L’heure du bilan a sonné
Les tous premiers chapitres rendent un verdict sans appel : les politiques climatiques en place sont insuffisantes et menacent l’humanité. En effet, les émissions annuelles moyennes au cours de la période 2010-2019 ont été supérieures à celles de toutes les décennies précédentes. Depuis 2010, elles continuent même d’augmenter dans tous les secteurs, et les initiatives de réduction des émissions de GES ne permettent pas d’inverser la courbe.
Il faut par ailleurs noter l’inégale répartition des émissions de gaz à effet de serre, notamment à l’échelle géographique. Ainsi, la grande majorité des GES proviennent des pays d’Asie et du Pacifique. Au niveau social, 10% de la population émet 36-45% des gaz à effet de serre.
Or, en l’état actuel des choses et selon les trajectoires modélisées par les experts, si nous ne parvenons pas à réduire les émissions de gaz à effet de serre avant 2030, le réchauffement planétaire dépassera les 1,5 °C. Les experts parlent même d’un réchauffement à hauteur de +2,4 à +3,5°C à la fin du siècle. Il va sans dire que les conséquences sur l’environnement et les écosystèmes seront catastrophiques.

Le rapport est donc sans équivoque : il faudrait réduire nos émissions d’au moins 43% d’ici 2030 et atteindre un pic d’émission avant 2025 pour maintenir le réchauffement de la planète sous la barre des +1,5°C. Comment ? C’est précisément le sujet des 15 chapitres restants, qui portent sur les moyens d’actions à mettre en place pour faire fléchir la courbe.
Les moyens d’action
C’est la question à un million de dollars. Comment peut-on enrayer un phénomène qui semble inexorable ? Quels sont les moyens à notre disposition, que ce soit à l’échelle individuelle ou collective, pour endiguer le dérèglement climatique et limiter ses dégâts ?
Le rapport du GIEC propose des pistes de réponse à ces questions, en faisant état d’un panel de solutions pour nous guider vers un monde bas-carbone. Et si, à long-terme, l’effort fourni doit être colossal et implique une réorganisation totale de la société, il est possible de commencer par des actions concrètes sur le court-terme :
- La baisse des activités
- L’amélioration de l’efficacité
- La décarbonation de la production d’électricité et l’électrification des usages
Consommation individuelle
Chacun doit tendre vers un mode de vie plus modeste afin de réduire son empreinte carbone. Il en va de notre responsabilité individuelle de changer les choses. Les actions sont multiples :
- Choisir le moyen de transport le plus écologique possible (limiter les trajets en voiture et favoriser les transports en commun) ;
- Manger plus responsable et réduire sa consommation de viande ;
- Trouver la bonne solution de chauffage ;
- Limiter le gaspillage en entreprenant une démarche zéro déchet et en achetant en vrac par exemple.
Toutefois, si toutes ces petites actions individuelles permettraient de réduire nos émissions de 40% à 70% d’ici 2050, il est essentiel qu’elles s’accompagnent de réels engagements sociétaux et politiques. Car l’individu seul ne peut porter l’entière responsabilité de la réduction des émissions de GES et que cela requiert une transformation en profondeur de la société.
Neutralité carbone
Pour atteindre la neutralité carbone, qui a pour objectif l’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre, générées par l’activité humaine, et l’absorption de ces mêmes gaz par des réservoirs naturels ou artificiels (appelés puits), il est nécessaire d’entreprendre une réelle transition. Pour cela, la feuille de route implique des actions à plusieurs niveaux :
- Augmenter les puits de carbone à l’horizon 2050 ;
- Décarboner totalement la production d’énergie d’ici 2050 ;
- Réduire la consommation d’énergie dans tous les secteurs.

Innovation technologique
Pour que la transition énergétique se déroule mieux, il ne faut pas négliger l’efficacité de la technologie. En effet, l’innovation peut être mise au service des émissions de gaz à effet de serre : véhicules électriques, énergies renouvelables… Il existe à ce jour plusieurs initiatives qui pourraient bien nous aider à atteindre la neutralité carbone.
Équité sociale
C’est la première fois que le GIEC produit un chapitre complet sur les aspects sociaux de la question climatique. En effet, le rapport montre à quel point la justice sociale est un levier essentiel pour atteindre les objectifs fixés. L’équité permet de renforcer la motivation des individus à participer à la transition écologique.
Engagements politiques et économiques
S’il existe déjà des politiques climatiques mises en place aujourd’hui, en France et dans le monde (SNBC, Plan Climat, COP…), celles-ci ne suffisent pas. Pour que la Terre soit viable pour les générations futures, il faut de nouvelles réglementations plus radicales et plus ambitieuses. Sans quoi il sera difficile de lutter contre le dérèglement climatique.
Les grands groupes eux aussi doivent prendre le virage vert très rapidement, en adoptant des politiques plus responsables. De plus en plus nombreuses, les entreprises à impact positif sont d’ailleurs récompensées par des certifications comme le label B Corp.
Économie circulaire
Selon le Circularity Gap Report 2021, la mise en place de stratégies d’économie circulaire pourrait permettre de réduire 39% des émissions de gaz à effet de serre. Comment ? En recyclant et réemployant les produits et matériaux afin de créer une boucle de production et de consommation.

Des actions dans tous les secteurs
Énergie, agriculture, industrie, villes, bâtiments, transports : l’effort à fournir concerne tous les secteurs. Le rapport propose des pistes d’actions à mener pour chacun d’entre eux, ainsi que des objectifs à atteindre.
Peut-on encore changer les choses ?
« Nous sommes à la croisée des chemins. Les décisions que nous prenons maintenant peuvent garantir un avenir viable ». Ce sont les mots du Président du GIEC lui-même, Hoesung Lee. Ils mettent en lumière notre capacité à pouvoir agir maintenant, sans plus attendre, et ce pour garantir la survie de la planète. Car, le rapport du GIEC le signale, la marge de manœuvre que nous avons pour changer les choses décroît de jour en jour.
L’heure n’est plus à la prise de conscience, mais à l’action générale. Il est donc impératif de sortir de ce déni qui nous conduit à la destruction progressive de nos écosystèmes. C’est d’ailleurs ce que montre le film Don’t Look Up avec brio, sorti sur la plateforme de streaming Netflix en janvier dernier. Le long-métrage a fait du bruit et a permis d’ouvrir un débat de fond sur le réchauffement climatique et l’irresponsabilité des politiques publiques.
Morale de l’histoire : pour éviter la catastrophe, il est grand temps de prendre des mesures partout dès aujourd’hui. Et surtout d’écouter les scientifiques, dont la parole est souvent couverte par le bruit de fond incessant des climato-sceptiques. S’il nous reste trois ans pour tout changer, autant se retrousser les manches et s’y mettre tout de suite !

Pour aller plus loin :
- Greenpeace – Rapport du GIEC : les solutions urgentes pour le climat : https://www.greenpeace.fr/rapport-du-giec-les-solutions-urgentes-pour-le-climat/
- Pour un réveil écologique – 6e rapport du GIEC – dernier volet, présentation du rapport complet : https://pour-un-reveil-ecologique.org/fr/articles/6e-rapport-du-giec-dernier-volet-presentation-du-rapport-complet/
Rapport du GIEC : Qu’est-ce qu’on attend ? :https://t.co/8AgoCtl65F